La lecture
dun exemplaire des "Contes
dun buveur de bière" de Charles DEULIN (dans une édition de 1946) découvert dans une pile
de livres laissée par ma grand-mère ma convaincu de faire découvrir ces contes et
cet auteur à bon nombre damateurs. Cest ainsi que je vous laisse faire
connaissance avec Charles DEULIN à travers un texte original
de Jean DAUBY (1919 1997, poète et écrivain valenciennois).
- Jean DAUBY -
"Charles DEULIN
était fils dun culottier, cest-à-dire du plus humble des tailleurs
dhabits, Thomas DEULIN, et de
Marguerite AMAND, qui habitaient à Condé, rue de
lEscaut. Le père signa dune croix sous lacte de naissance de son fils
aîné Charlemagne, au lendemain du 5 janvier 1827.
- Condé sur l'Escaut -
Le garçon, plus tard, raccourcit cet impérial
prénom qui, joint à sa très haute taille, lui valait les railleries de ses condisciples
au Collège de Valenciennes, doù il sortit bachelier ès lettres, avec le prix
dhonneur, en 1846.
Il nétait pas question de rejoindre à
létabli paternel son frère Juvénal, dit Augustin. Il aurait pu devenir maître
détudes au Collège de Condé, mais son concitoyen Clodomir ROUZE - avec qui il devait poursuivre une aigre rivalité
de trente ans - avait obtenu le poste. Charles devint secrétaire du notaire valenciennois
FOUCART, le protecteur de CARPEAUX.
Le sculpteur et DEULIN étaient dailleurs du même âge
et se rencontraient chez le notaire mécène.
Une fugue, en compagnie de la fille dun
négociant condéen chez qui Charles donnait des répétitions au cachet, mit fin à cette
première carrière. Couvert de la réprobation de ses concitoyens, notre trop galant
bachelier gagna Paris.
Il « commettait », depuis quelques
années, vers et chansons et, de ce fait, entra en relation avec Edmond
ABOUT qui lui procura, dans la capitale, un poste de répétiteur en une «
boîte à bachots ». Il fut donc pion, comme Alphonse DAUDET,
autre conteur fameux.
- Alphonse DAUDET (1840 - 1897) -
Il se lie bientôt avec Francisque
SARCEY dont il épouse lune des surs. Cest sans doute cet
influent critique qui conseille à son beau-frère dabandonner poésie et théâtre
et de devenir chroniqueur. DEULIN commence par dhumbles
tâches : il corrige les épreuves des articles de SARCEY
au Figaro, par exemple.
Bientôt, il va collaborer à de nombreuses revues,
telles Le Pays, où il tiendra le feuilleton dramatique pendant plus de dix ans. Il
écrit dans Le Journal pour tous, Le Monde illustré, La Nation, LEsprit
public, La Revue de France.
Mais cest autrement que va lui venir la
célébrité.
« Il y a quelque quinze ans, écrit-il
à Arthur HEULHARD, jalignais force rimes à
Condé-sur-l'Escaut, écrivant des chansons, après avoir essayé décrire des
romans en vers. Un jour, un vieil ouvrier mineur me conta laventure arrivée, au
temps jadis, dun fermier qui, cherchant un homme juste pour en faire le parrain de
son fils, ne trouva que la Mort et tenta ensuite de corrompre limpartial faucheur,
pour quà lheure suprême, ce dernier remît de lhuile dans la lampe et
prolongeât ainsi lexistence de son compère. »
De cette histoire, DEULIN
fait dabord une chanson, puis un conte, sous le même titre, Le compère de la
Mort, dont le héros est Jean-Philippe, le gros censier du Chêne Raoult.
La chanson et le conte sont bien accueillis et DEULIN en écrit dautres. Attaché à la Bibliothèque de
lArsenal, il y aura accès aux vieux manuscrits, aux livres oubliés, à toutes ces
sources de la littérature populaire où NODIER, avant lui,
avait pris son inspiration.
Les Contes dun buveur de bière
paraissent en 1868 (DAUDET a publié ses Lettres de mon
Moulin en 1866, dans lÉvénement, et les a réunies en un livre en 1869). Une
suite leur sera donnée en 1874 avec les Contes du roi Cambrinus, puis, en 1875,
les Histoires de petite ville. Un ouvrage plus érudit, Les Contes de ma Mère
lOye avant Perrault paraîtra après sa mort, en 1878.
- Cambrinus, Roi de la bière -
Il faudrait ajouter les romans Chardonnette (Les
Amours de petite ville) et Les Richepanse, deux uvres autobiographiques et
assez cruelles pour les bourgeois condéens, du mépris desquels DEULIN
se venge, après vingt ans. Souffrant dune endocardite, il rentre à Condé pour sy reposer et meurt, chez son frère Augustin,
neuf jours après son arrivée, le 29 octobre 1877. Il a cinquante ans."
Marc DZALBA-LYNDIS.
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