Un passionné en
Nom : CATEZ Prénom : Yves Adresse : 139, rue du Stade à Landrethun-les-Ardres
1) Doù êtes-vous originaire ? Je suis originaire du canton de Desvres, dun petit village de cent habitants qui sappelle Bainghen.
Jhabite à Landrethun-les-Ardres depuis 20 ans.
Jai habité deux ans à Licques et deux ans à Lostebarne.
Mon métier, cest artisan. Artisan maçon.
Mes études sont simples. Ce sont deux CAP (Certificat dAptitude Professionnel). Un CAP en menuiserie, en trois ans, et un CAP en maçonnerie, en trois ans.
Au Collège dEnseignement Technique de Lumbres.
Non, je nai suivi aucune autre formation.
Non, justement, cest un petit problème dans nos métiers. Cest lun des soucis de lartisan.
Oui. Cette envie est venue au fur et à mesure. Elle est venue par le contact humain avec les gens, par le contact physique avec les matériaux. Cest alors devenu quelque chose de très important, ce métier dartisan.
Cette envie est venue lorsque jétais très jeune, vers 10/12 ans. Chez mes parents, jai eu la chance de voir des artisans venir restaurer comme il y a trentaine dannées. On restaurait alors un peu à la fois et jai pu, en mamusant en quelque sorte, participer aux travaux des artisans menuisiers surtout. Jai pu leur donner un petit coup de main. Cétait une approche très, très forte du véritable artisan.
Oui. Ça fait 22 ans que je travaille comme artisan et, pendant 12 ans, nous avons fait une entreprise générale cest à dire que nous avons eu 8 personnes salariées. Et puis, suite à diverses circonstances, jai décidé de revenir au réel travail que je préfère et jai donc redémarré seul.
Oui. Ma profession me plaît beaucoup, énormément. Même si la notion dartisan nest plus du tout la même quil y a 20 ans. La notion dartisan est quelque peu défigurée. On profite également du nom dartisan mais ce nest plus le véritable métier dartisan dantan pour beaucoup. Je pense être resté un véritable artisan.
Cest un métier très difficile. Très physique. Cest pourquoi il faut aborder ce métier délicatement car il est très exigeant. Il faut voir les bons côtés. Cest vrai que cest un métier sale mais il faut savoir écarter ces mauvais côtés au profit des bons.
Oui. Jai travaillé pour deux entreprises. La première était une entreprise de famille car, dans la famille, nous sommes cinq maçons. Mon frère aîné a donc créé une entreprise générale. Suite à son arrêt, après une dizaine dannées, je suis allé travailler chez un artisan, Monsieur DUVIVIER, à Nordausques avant de minstaller.
Cest très simple. En gros, cest le secteur Calais/Ardres. Mais cela à cause de ma situation, du fait que je suis seul. Je me limite à lArdrésis. Mais, avant, il y a 2/3 ans, je travaillais de Marquise à Saint-Omer. Cétait une quarantaine de kilomètres autour de Landrethun car nous étions 8 personnes et il fallait trouver des chantiers même éloignés.
Chez nous, il ny a pas de sous-traitance, alors ce sont des clients particuliers. Je nai jamais fait de sous-traitance. La sous-traitance, cest une société qui recherche du travail et qui le donne à faire à lartisan. Lartisan na alors pas le contact initial avec le client. Moi, je préfère ce contact alors je ne fais pas ce type de travail. Pour des particuliers, jai déjà construit 25 maisons individuelles traditionnelles en briques. Des belles maisons
A lheure actuelle, je me contente de la rénovation. Pose de carrelage, arrangement de salle de bain, couverture, charpente, etc. Ce que jadore, cest refaire de la charpente traditionnelle, de la zinguerie, de la plâtrerie. Je rénove. Je transforme, jaméliore les habitations. Jaime ça car on redonne un cachet, une âme à la maison. Cest beaucoup plus intéressant que de faire du neuf. Le neuf, ce sont des lignes. On a des obligations, des plans, etc.
Justement, là, il y a une confiance qui doit sinstaller et le mot artisan prend tout son sens. Par rapport aux grosses entreprises, un monde nous sépare. Les gens te donnent un travail à faire et ils ont confiance. Ils savent que la réalisation sera parfaite. Cest la valeur de lartisan. Il faut apprendre à connaître le client et savoir ce quil attend. On ne peut pas intervenir chez les gens sans connaître leur personnalité. Lorsque les gens ressentent la confiance, ils te laissent travailler.
Moi, jai de la chance. Mes clients, ils sont parfaits. Je travaille avec eux, ils apprennent à me connaître, moi, japprends à les connaître, alors, on entretient une confiance mutuelle. On a un contact fort. On parle. Je ne pourrais pas travailler avec des gens qui nont pas de communication. Jaime bien savoir ce que les gens pensent de mon travail et, sil y a un problème, je rejoins le client dans son optique. La qualité du travail est essentielle. Après, cest le bouche à oreille qui travaille pour moi. Cest ma publicité. Dautre part, chez nous, un choix fort a été fait. Les gens recherchent parfois un produit mais sans avoir le sens des valeurs. Souvent, ils cherchent un produit effectué rapidement mais sans avoir une connaissance de la valeur des choses. Si les clients font appel à nous, cest pour avoir un produit différent.
Il y a deux ans, je suis tombé de trois mètres et ça ma valu presque un an darrêt. Ça ma coûté le prix de lentreprise. Ce sont les vertèbres qui ont été touchées. Cest alors que jai pris la décision de repartir plus simplement. Je suis également tombé de neuf mètres de hauteur en transformant lhospice de Guînes en réfectoire. Je suis tombé à plat sur le dos. Pendant trois semaines, je nai pas pu parler. Je ne pouvais respirer que le minimum. Jétais à moitié mort. Mais, jai refait surface. Ma chance a été dêtre jeune à lépoque. Maintenant, ce ne serait plus pareil. Mais il ne faut pas voir ces côtés négatifs. On a un beau métier. Le mot essentiel, cest la passion. Il faut aimer ce que lon fait. Pour devenir quelquun de bien, il faut respecter celui qui veut te former. Il faut sinspirer de ce quil fait. Je pense quil faut attendre lâge de 30ans pour être un artisan au point. Le métier dartisan est défiguré par le fait de la productivité. Lessentiel, cest de savoir travailler. Il faut savoir sarrêter sur le travail que lon fait. Savoir aussi sarrêter sur des ouvrages réalisés par les autres ou les anciens pour découvrir comment ils ont été conçus. A partir de là, on ouvre des portes. Chez nous, la curiosité est très importante. Sinon, pour en revenir aux accidents, jai bien sûr aussi eu quelques petits accidents plus bénins.
Vous voyez, jai 49 ans. Il y a 10 ans, je montais encore partout, je navais aucune crainte. Aujourdhui, tout est mesuré. Je monte encore partout, je fais toutes les hauteurs, mais je prends beaucoup plus de temps. Je mesure tous les dangers. Cest lâge qui te donne ça. Maintenant, je mets toutes les sécurités. Il y a 10 ans, je montais sans rien, sans protection. Je ne voyais aucun danger. De plus, maintenant, je ne ferai jamais monter quelquun sans avoir testé moi-même. Cest moi qui monte en premier et celui qui est avec moi montera si jestime quil ny a pas de danger. Il y a un âge pour tout. Quand on est jeune, on ne voit pas le danger. En vieillissant, on mesure tout.
Oui. Jai fait de la publicité mais jamais dans les journaux. Je lai faite par le biais des associations. Notre nom apparaît sur les affiches. Cest plutôt pour aider. La vraie publicité, cest le travail. Cest le travail bien fait. Ce sont les gens qui font ma publicité.
Je dirai non. Mais je refuse les gros travaux urgents. Les gros travaux sans concertation ni planning, je les refuse. Ça, cest le défaut de lartisan, il faut planifier son travail dans le temps. Les gens doivent comprendre ça. On peut accepter tous les travaux car on sait les faire, on a de lexpérience, mais si on ne peut pas les planifier on ne les accepte pas. On ne peut pas servir le client dans lurgence sur de gros travaux sans planification ni concertation. Ce nest pas le travail que je refuse, cest la manière de faire. Je pense faire sourire quelques clients ici.
Oui. Jen ai pris en permanence. Mais le reproche que jai vis à vis deux, cest que le temps dapprentissage est trop court. Ce nest pas de leur faute, cest la faute au système denseignement. Les apprentis passent ici trois semaines, cest renouvelé souvent, mais cest trop court. Lorsque le jeune est prêt pour vraiment acquérir le métier, il sen va. Ce nest pas un vrai apprentissage. Lorsque lactivité était forte, jen ai eu deux à trois en même temps. Ils sont, pour la plupart, restés dans le métier. Dans des grosses entreprises, pour le salaire souvent. Un jeune doit se former. Lorsquil quitte lapprentissage, après deux ans de formation, il connaît le métier mais il a encore beaucoup, beaucoup à apprendre. Cest un grand monde, le métier. Un jeune ne peut pas être artisan de suite. Il faut être plus assuré quun jeune qui sort de lécole pour être artisan. Il faut voir beaucoup dautres choses. Notre métier ne se limite pas à savoir poser une brique.
Oui. Je forme des jeunes. Mais pas pour notre entreprise. Moi, ce que je veux, cest former entièrement un jeune. Quil devienne un réel collaborateur et quil désire réellement apprendre son métier. A lheure actuelle, je suis plus vigilant par rapport à ça. Je vois ça directement avec les parents et le jeune. Je veux des gens sérieux auprès de moi sachant quil saura réellement faire quelque chose plus tard.
Oui, je pense. Même si les statistiques disent que non parce que le bâtiment est devenu énorme et que le métier a été délaissé en quelque sorte. Suite à lévolution du bâtiment, il en manque, cest sûr. Maintenant, en trois mois de temps, on te forme un maçon. Cest le maçon de base, ce nest pas lartisan maçon. Le maçon de base, cest celui à qui on dit : "tu fais ceci, tu fais cela". Mais il faut passer par là de toute façon.
Le métier est attractif à une seule condition : que lon puisse évoluer. Cest le point fort des artisans : intégrer et utiliser toutes les connaissances et les techniques quon acquiert au fur et à mesure. Là, ça devient un plaisir considérable.
Oui. Le mot artisan est bien perçu mais il faut quil soit respecté par les artisans eux-mêmes. Lartisan doit avoir une relation directe avec le client. La confiance doit sinstaller autour dun ouvrage entre les deux parties. Lorsque les gens nous appellent, on sait quils recherchent un artisan et non une grosse entreprise.
Non, on ne peut pas dire quil soit facile. Il faut être volontaire. Une grosse société, elle, répartit le travail. Lartisan, lui, il gère presque tout. Lartisan, il fait le travail proprement dit, la gestion, le relationnel, etc. Il fait tout. Cest quelquun de complet mais ça prend beaucoup de temps, parfois 12 heures par jour. Dans une grosse société, on se répartit le travail, la vie est plus aisée.
Jai toujours du matériel lourd. Je le conserve. Il me servira.
Les matières premières, je les prends chez un petit négociant près de Colembert. Je mefforce toujours de mapprovisionner chez les petits négociants.
Là, cest simple. Ciment, sable, chaux, briques. Ça, cest la priorité, cest la grosse commande de lannée. Après, il y a les tuiles, le plâtre, etc. Pour les outils, on a un métier très simple. Lorsque jai débuté, jai commencé avec une caisse à outils marteau, truelle, fil à plomb une pelle et une petite voiture. Jai débuté avec ça donc, au départ, cest très basique. Pour sinstaller, cest sûrement lun des métiers les moins onéreux. Après, il faut penser au bureau et au reste mais, initialement, le matériel est extrêmement simple.
Sincèrement, oui. Mais il faut respecter ce métier. Je le conseille. Je serais heureux de savoir, un jour, que lun de vous est du métier. Je pourrais même le former. Mais seulement sil respecte le travail en sy investissant à fond. Sinon, ce nest pas la peine. Je suis très dur avec ça.
Après avoir rencontré les établissements dapprentissage, suite à divers problèmes avec les élèves, je peux dire quil existe deux établissements qui se détachent : Hesdigneul-lès-Boulogne et Lumbres. Parfois, nous avons eu des apprentis dautres établissements mais il y avait des tolérances énormes des établissements. Elles étaient parfois négatives sur les chantiers. Pas de respect du travail, de louvrage, de la matière.
Non je pense que, pour avoir de bons apprentis, il aurait fallu augmenter le salaire minimum et pouvoir rémunérer ses apprentis au mieux. Il faut que les jeunes puissent avoir une vraie fiche de paie. Pour un vrai métier, il faut un vrai salaire. Il faut que les jeunes puissent progresser en salaire jusquà leur 18 ans.
Quel genre de musique préférez-vous ? Jadore le classique et aussi le rocknroll. Quel genre de films préférez-vous ? Les films comiques, jaime bien rigoler. Quelles sont vos lectures préférées ? Mon livre préféré, cest un livre dEugène LEROY : "Jacquou le Croquant". Je lai lu et relu. Quels sont vos loisirs préférés ? Jen ai peu mais cest le VTT. Quand je peux méchapper, cest au bois de Guînes. Quels sont vos plats préférés ? La poule au riz. Quel est votre meilleur souvenir de voyage ? Je nen ai pas beaucoup. Mon meilleur souvenir, cest en classe de neige, comme accompagnateur, il y a une dizaine dannées, avec Monsieur RATEL (directeur de lécole de Landrethun à lépoque), dans les Pyrénées. Quelle est votre destination rêvée ? Cest de pouvoir profiter de la vie et de visiter la France entièrement.
Entretien réalisé le jeudi 9 décembre 2004.
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